Archives d'Abbadia - Notice thématique : Eugène-E. Viollet-le-Duc et l'architecture domestique
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Date d'impresssion : 21/11/2024
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Arts et architecture

Eugène-E. Viollet-le-Duc et l'architecture domestique

Immeuble de rapport, planche des Entretiens sur l'architecture, par Viollet-le-Duc - Crédit : Musée d'Orsay
Immeuble de rapport, planche des Entretiens sur l'architecture, par Viollet-le-Duc - Crédit : Musée d'Orsay
De Viollet-le-Duc, le filtre de la mémoire collective a coutume de se souvenir des emblématiques chantiers de restauration, Notre-Dame de Paris, Carcassonne, Vézelay, Saint-Sernin et autres cathédrales. Or, son oeuvre, ne se limitant pas à l'architecture religieuse gothique, s'avère en réalité bien complexe. Parmi ses projets d'architecte et ses publications de théoricien, il s'intéressa particulièrement au thème de l'habitation humaine. Aussi sa vision de l'architecture domestique se manifesta-t-elle diversement du point de vue stylistique, mais avec toujours un fil conducteur fondamental. Celui-ci est incarné par la quête de modernité nationaliste, fondée sur le savoir-faire et l'expérience de ses prédécesseurs. 
 
La théorie

Hôtel particulier par Viollet-le-Duc, planche du 16e entretienDu point de vue théorique, Viollet-le-Duc considérait, à l'instar de ses confrères, que l'architecture devait s'adapter au besoin de la société, au mode de vie des hommes. Pour cette raison, estimant le principe du château comme obsolète, son idéal d'habitation fut représenté par un hôtel particulier dans ses Entretiens sur l'architecture, publiés entre 1864 et 1872, avant de s'exprimer par la problématique plus démocratisable de la "maison". A partir des années 1870, ce thème fit d'ailleurs l'objet d'un volume de sa série éditoriale destinée initialement aux adolescents, intitulé Histoire d'une maison, où il exposa avec grande pédagogie la vie d'un chantier depuis la conception du plan jusqu'à son exécution.
 
Maison de Paul dans <em>Histoire d'une maison</em>, par Viollet-le-Duc, 1873Traduisant les usages de toute une société, le plan revêt une dimension fondamentale dans sa conception architecturale qui se réclame du rationalisme. Viollet-le-Duc privilégie l'optimisation des espaces et de la circulation ainsi que l'économie du chantier et des déplacements humains. Ses théories érigent l'édifice et son ornementation en un ensemble homogène et un véritable organisme vivant où la présence de chaque élément s'explique par sa fonction, qu'il déduisait de ses observations de l'architecture gothique.


Les chantiers 

Mais, s'il s'inspirait de l'esprit et du génie des constructions médiévales, cela n'impliquait pas nécessairement d'en reproduire absolument le style. Il n'est donc pas surprenant que son corpus d'oeuvres domestiques se caractérise par sa diversité esthétique. En termes de restauration, Viollet-le-Duc fut missionné par Napoléon III à partir de 1858 sur le chantier colossal du château de Pierrefonds, qui devint un modèle d'architecture et de décoration néogothique, et ce malgré une frontière fluctuante souvent décriée entre restauration et création. Les milliers de dessins et de projets qu'il réalisa pour Pierrefonds inspirèrent ses autres chantiers néogothiques et ceux de ses disciples. 

Château de Pupetières, restauré par Viollet-le-Duc de 1860 à 1874 - Crédit : V. Delpech, droits réservésAussi les restaurations des châteaux de Roquetaillade, en Gironde, et de Pupetières, en Isère, tout comme celles de la Flachère, dans le Rhône, ou de Montdardier, dans le Gard, s'inscrivent-elles dans les pas du chantier de Pierrefonds. L'architecte réhabilita ces édifices en associant la démarche archéologiste, fondée sur la recherche de vérité historique, et le parti pris créatif, appuyé sur l'hypothèse architecturale. En revanche, dans ces chantiers, comme dans de nombreuses restaurations privées, il confia la décoration à ses collaborateurs, en l'occurrence à Edmond Duthoit pour Roquetaillade et à Denis Darcy pour Pupetières.


Château de Roquetaillade, restauré par Viollet-le-Duc et Duthoit de 1864 à 1878 - Crédit : château de RoquetailladeMais "Viollet" sut s'affranchir des édifices gothiques, ce qui le conduisit, après la chute de Napoléon III, à prendre en charge la restauration du château d'Eu, demeure ancestrale de la famille d'Orléans. S'adaptant à la volonté de ses commanditaires, c'est un mélange de styles académiques, essentiellement Louis XV et Louis XVI, qu'il imagina pour cette demeure. 
 

La maison Sabatier, dite Le Prieuré - Crédit : fonds privé, droits réservésD'ailleurs, le domaine de la création ex-nihilo fut plus facilement propice aux libertés esthétiques. Si le château d'Abbadia relève du style néogothique de Pierrefonds et de ses avatars, la maison Sabatier, dite "Le Prieuré", est un exemple manifeste du style néo-Louis XIII. Cette demeure située à quelques encablures de Pierrefonds fut construite selon un plan académique, voire palladien, vraisemblablement dû à l'influence de son commanditaire. La maison Jacquesson, hôtel particulier édifié à Châlons-sur-Marne, témoigne également de cette capacité à bâtir dans un style plus conventionnel.  
 
Chalet La Vedette, à Lausanne - Crédit : Ministère de la CultureQuant à la maison individuelle, l'architecte en concrétisa ses idéaux avec la construction de sa résidence personnelle, le chalet La Vedette, bâti à Lausanne, où il s'installa pour se consacer à la montagne durant les dernières années de sa vie. La Vedette montre bien cette volonté de s'adapter à l'environnement naturel et culturel du chantier, c'est-à-dire aux ressources matérielles, au paysage et à l'architecture traditionnelle.


Immeuble Viollet-le-Duc, rue Condorcet - Crédit : Ministère de la CultureImmeuble par Viollet-le-Duc, angle de la rue Chauchat - Crédit : fonds privé, droits réservésEnfin, Viollet-le-Duc s'intéressa également à la problématique de l'habitat collectif, impliquant immeubles de rapport ou à loyer. Exposés dans ses Entretiens sur l'architecture, ses principes sur la question furent appliqués dans ses édifications d'immeubles parisiens, dont les plus connus se situent rue de Douai, rue de Liège, rue Chauchat et rue Condorcet. Toujours fondés sur le principe constructif gothique, avec notamment une forte attention portée à la modénature, ces édifices s'éloignent manifestement de l'esthétique médiévale pour épouser davantage celle de leur environnement urbain haussmanien, rendue nécessaire par les codes d'urbanisme. Comme La Vedette, l'immeuble de la rue Condorcet était un projet personnel. Au dernier étage, il y aménagea son cabinet, ce qui explique la présence d'une sculpture de hibou grand duc, ornementant l'un des meneaux et se référant à l'identité de son propriétaire par un jeu d'homonymie bien connu.


Sculpture de hibou grand-duc, immeuble Viollet-le-Duc, rue Condorcet - Crédit : fonds privé, droits réservésEpilogue : Le corpus civil de Viollet-le-Duc n'est pas encore connu en intégralité mais il ne fait aucun doute que son ampleur est  considérable. Il ne se limite d'ailleurs pas aux constructions domestiques mais investit également, au moins en théorie, le domaine de l'architecture publique. Quant au style néogothique, viollet-le-ducien et autre, il ne fit pas de vieux os en France à partir du dernier quart du XIXe siècle, hormis quelques citations pittoresques dans les stations de villégiature. Toutefois, l'esprit rationaliste restauré et prôné par l'architecte perdura et fut érigé comme le fondement de la doctrine architecturale moderne voire révolutionnaire de l'Art nouveau. 
 
Carte d'identité

Carte d'identité

Rubrique : Arts et architecture
Toponymie : Thème : Style : Période : Datation précise : non renseigné
Auteur de la notice : Viviane Delpech
Mise en ligne : 07/08/2014
Mise à jour : 02/08/2014
Droits de diffusion : Communication soumise à autorisation, reproduction soumise à autorisation
Droits d'auteur : © www.archives-abbadia.fr
Ressources externes

Ressources externes

Bibliographie

  • Viollet-le-Duc 1980, actes du colloque international, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1982. 
  • Viollet-le-Duc à Pierrefonds et dans l’Oise, Actes de colloque, Editions du Patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, 2008. 
  • BRESSANI M., Sciences, histoire et archéologie : sources et généalogie de la pensée organiciste de Viollet-le- Duc, Thèse de doctorat d’Histoire de l’Art, Université Paris IV Sorbonne, 1997. 
  • FOUCART B. (dir.), Viollet-le-Duc, catalogue d’exposition, Galeries Nationales du Grand Palais 19 février – 5 mai 1980, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, Paris, 1980. 
  • LENIAUD J.-M., Viollet-le-Duc ou les délires du système, Editions Mengès, Paris, 1995. 
  • TIMBERT A. (dir.), Matériaux et techniques de construction chez E.-E. Viollet-le-Duc, actes du IIe colloque international de Pierrefonds, 24-25 septembre 2010, coll. Idées et Débats, Editions du Patrimoine, Paris, 2014.
  • TIMBERT A., Le chevet de la Madeleine de Vézelay et le début de l’architecture gothique en Bourgogne, Thèse de doctorat d’Histoire de l’art, Université de Franche-Comté (Besançon), 2001. 
  • VIOLLET-LE-DUC E.-E., Entretiens d’architecture, 1858-1872, édition intégrale : tomes 1+2, 2ème édition, rééd. Pierre Margada, Paris, 1978. 
  • VIOLLET-LE-DUC E.-E., Habitations modernes, Paris, 1875, Mardaga, Bruxelles, 1979. 

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Pour citer cette notice : Viviane Delpech, "Eugène-E. Viollet-le-Duc et l'architecture domestique", in Ville d'Hendaye/DRAC Aquitaine, Archives d'Abbadia. Patrimoine du XIXe siècle [En ligne], mis en ligne 07/08/2014, consulté le 21/11/2024. URL : http://www.archives-abbadia.fr/notice_thematique_19.htm
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