Les restaurations du château d'Abbadia
Hormis les petits travaux d'entretien habituels, l'édifice a connu deux campagnes de restauration, la première étant consécutive à la Seconde guerre mondiale, la seconde ayant eu lieu à la fin des années 1990, plus de cent ans après sa construction.
Suite à ce rapport, une restauration fut commandée. Les préoccupations et les partis pris de restauration étant ceux de leur époque, il faut bien admettre que certaines interventions s'avérèrent hasardeuses et approximatives. Le velours noire de la salle à manger, recouvrant sièges et murs, fut remplacé par un velours vert, peut-être plus en adéquation avec les codes couleurs de l'institution propriétaire des lieux. Les parois du boudoir de Virginie, dont on ignore encore l'aspect originel intégral, laissèrent place à un textile satin bleu. Ou encore, les peintures murales firent l'objet de repeints grossiers, sans compter la scène de Saint Antoine et saint Paul, dans la chapelle, recouverte d'un panneau de bois peint, qui eut le mérite de préserver le décor originel.
Le classement au titre des Monuments Historiques en 1984 témoigne de l'intérêt nouveau suscité par le château, longtemps resté impénétrable en raison de sa fonction de villégiature privée pour les dirigeants de l'Académie des sciences. L'association des Amis d'Abbadia, installée sur les anciennes terres de d'Abbadie acquises par le Conservatoire du Littoral, commença des recherches et instaura des classes patrimoine à l'attention des scolaires. En 1994, un premier mémoire de maîtrise d'Histoire de l'art, fondé sur l'étude des archives, fut réalisé par Sylvie Fourrel de Frettes sous la direction de Marc Saboya, à l'université de Bordeaux III. Ce travail pionnier et fondamental pour la connaissance d'Abbadia fut suivi par la publication de l'ouvrage Abbadia, un rébus géant, et surtout par l'étude préalable commandée par la DRAC Aquitaine en 1995 à Bernard Voinchet, architecte en chef des Monuments Historiques.
Conduite à partir de 1996, la seconde restauration d'Abbadia, d'une ampleur considérable, est due à l'initiative de Jean Dercourt, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, et de Alain Rieu, conservateur régional des Monuments Historiques. Conformément aux impératifs du ministère de la Culture, l'ensemble des travaux fut assuré par des entreprises habilitées à intervenir sur les Monuments Historiques. Dans un premier temps, il s'agit de consolider l'enveloppe de l'édifice afin de sécuriser ses espaces intérieurs. C'est pourquoi la restauration du clos, c'est-à-dire des murs, et du couvert, c'est-à-dire des toitures, eut lieu de 1997 à 2000. On procéda, par exemple, par injections de coulis de chaux dans les jointements des murs de parement afin de remédier au manque d'étanchéité de l'édifice.
Au début des années 2000, les conditions étaient donc réunies pour effectuer la réhabilitation des décors et du mobilier, dans l'optique de la restauration ou de la restitution selon l'état des éléments. Une attention particulière fut portée aux décors peints et aux textiles, dont les études préalables de restauration furent confiées à M. Bégué et Isabelle Bedat. Après avoir réalisé des sondages dans la peinture, la couche décorative originelle fut retrouvée et restaurée selon les techniques actuelles, en procédant par repeint à l'identique et nettoyage. Lorsque les textiles étaient trop détériorés, comme dans la chambre de Virginie, ils furent reproduits à l'identique et dans le même matériau à base d'échantillons conservés sur place. La découverte d'un fonds photographique ancien permit en outre à l'atelier Fournier de restituer le vitrail du vestibule.
La restauration du mobilier eut lieu parallèlement. Les structures et sculptures en bois furent nettoyées et traitées, tandis que les éléments textiles firent l'objet de la même démarche que ceux des murs, et furent souvent restitués à l'appui des vestiges existants. Certains éléments, aux matériaux plus riches, furent nettoyés et réparés, cela concernant par exemple les étagères mauresques inscrustées de nacre ou l'armoire en laque du grand salon.
Mais la meilleure restauration reste encore la conservation préventive de l'édifice, qui implique un entretien minutieux et régulier permettant d'éviter les dégradations importantes et donc les interventions brutales. Ce travail ne sera par conséquent jamais achevé, surtout dans le cas d'un patrimoine si diversifié et si riche. Cette entreprise remarquable était d'autant plus nécessaire qu'Abbadia constitue l'un des rares édifices du XIXe siècle ayant survécu dans son homogénéité architecturale, décorative et mobilière. Désormais, après rendu sa splendeur à cette demeure sans pareil, c'est à la restitution du jardin anglais d'Antoine d'Abbadie que la DRAC Aquitaine souhaite se consacrer, ce qui achèvera de redonner son identité historique à son domaine en le réinscrivant dans son paysage originel.
Bibliographie
- DELPECH V., Le château d'Abbadia à Hendaye: le monument idéal d'Antoine d'Abbadie, 3 volumes, thèse de doctorat d'Histoire de l'art, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012.
- DURANDEAU E., Le château d'Abbadia avant la guerre, doc. non publié, Hendaye, 1946.
- DURANDEAU E., Domaine d'Abbadia, propriété de l'Académie des Sciences à Hendaye. Etat des dommages consécutifs à l'Occupation allemande. Château, communs, fermes, propriétés, doc. non publié, Hendaye, 1946.
- RIEU A., VOINCHET B., LUCET P., "La restauration du château d'Abbadia", in DERCOURT J. (dir.), Antoine d'Abbadie. De l'Abyssinie au Pays basque, voyage d'une vie, Atlantica, Biarritz, 2010, p.147-206.
- VOINCHET B., Château d'Abbadia. Restauration du clos et du couvert, Etude préalable, DRAC Aquitaine, Bordeaux, 1997.