Lettre de Tirso de Olazabal à Virginie d'Abbadie (1876)
Généalogie du document
Fonds d'appartenance : Archives du château d'Abbadia. Site d'Hendaye Nom du propriétaire du fonds : Académie des SciencesInventaire d'appartenance : Correspondance Vincent de Saint-Bonnet Référence inventaire d'appartenance : Correspondance Virginie d'Abbadie, née Vincent de Saint-Bonnet.
Détails sur le document
Référence : Lettre de Tirso de Olazabal, 27 juin 1876Auteur : Tirso de Olazabal
Description physique : Correspondance.
Format du document : Double-feuillet
Langues du document :
Description du document
Présentation
Cette lettre a été expédiée à l'attention de Virginie d'Abbadie en juin 1876. Son auteur, Tirso de Olazabal, était un homme politique basque carliste. Originaire d'Irun et proche d'Antoine d'Abbadie, il se réfugia à Saint-Jean-de-Luz et au Portugal après les défaites de son camp lors des guerres de succession d'Espagne.
Le papier à lettre, en petit format, présente sur la gauche le monogramme stylisé de son auteur, composé des lettres T et O. Mais, dans un élan de romantisme, Tirso de Olazabal signe "Tirso de la Mancha", par référence au légendaire héros désoeuvré Don Quichotte, de Cervantès, qu'il évoque dès les premières lignes.
Cette analogie résulte de la situation dans laquelle se trouve l'auteur au moment de la rédaction de la lettre. Il semble avoir rencontré d'importantes contraintes à propos de l'expédition d'une cargaison de 14.000 fusils à destination de la maison de Hambourg. En cette date de juin 1876, la troisième guerre carliste s'était en effet achevée depuis le début d'année, se soldant par une amère défaite du clan carliste avec la prise de son bastion navarrais et siège de la cour de Charles VII, la petite ville d'Estella. A la fin de l'année précédente, les biens des suspects carlistes, notamment les armes, avaient déjà été confisqués. Cette cargaison de 14.000 armes correspond sans doute à une portion d'armement de ce parti engagé, qui fut transmise à l'étranger pour éviter de la laisser tomber entre les mains de ses ennemis. Cette lettre sous-entend que Virginie apporta son aide pour la livraison de ces objets, ce qui n'étonne guère lorsque l'on connaît le soutien du couple d'Abbadie envers le Carlisme.
Olazabal abandonne rapidement ces questions politiques afin d'aborder des sujets plus intimes. Il évoque son sixième enfant et sa belle-mère, avec laquelle il confie, non sans humour, s'ennuyer profondément. Puis, conservant un style métaphorique, il évoque les dons musicaux de Virginie et sa capacité à jouer longuement du piano pour ses amis. Il lui commande pas moins de dix-sept morceaux pour leur prochaine entrevue, particulièrement des airs du compositeur contemporain Frédéric Chopin. L'expéditeur quitte la plume, impératifs familiaux obligent, afin de s'occuper de sa belle-mère.
Cette lettre illustre le rôle social tenu par Virginie d'Abbadie, y compris auprès des proches de son époux, ce qui contribue à brosser son portrait de femme de notable. Douée de talents de pianiste connus et indéniables, elle était perçue comme une maîtresse de maison irréprochable et se révélait aussi capable d'intervenir dans des affaires logistiques ayant une portée politique, comme dans cette histoire délicate des 14.000 fusils.
Le papier à lettre, en petit format, présente sur la gauche le monogramme stylisé de son auteur, composé des lettres T et O. Mais, dans un élan de romantisme, Tirso de Olazabal signe "Tirso de la Mancha", par référence au légendaire héros désoeuvré Don Quichotte, de Cervantès, qu'il évoque dès les premières lignes.
Cette analogie résulte de la situation dans laquelle se trouve l'auteur au moment de la rédaction de la lettre. Il semble avoir rencontré d'importantes contraintes à propos de l'expédition d'une cargaison de 14.000 fusils à destination de la maison de Hambourg. En cette date de juin 1876, la troisième guerre carliste s'était en effet achevée depuis le début d'année, se soldant par une amère défaite du clan carliste avec la prise de son bastion navarrais et siège de la cour de Charles VII, la petite ville d'Estella. A la fin de l'année précédente, les biens des suspects carlistes, notamment les armes, avaient déjà été confisqués. Cette cargaison de 14.000 armes correspond sans doute à une portion d'armement de ce parti engagé, qui fut transmise à l'étranger pour éviter de la laisser tomber entre les mains de ses ennemis. Cette lettre sous-entend que Virginie apporta son aide pour la livraison de ces objets, ce qui n'étonne guère lorsque l'on connaît le soutien du couple d'Abbadie envers le Carlisme.
Olazabal abandonne rapidement ces questions politiques afin d'aborder des sujets plus intimes. Il évoque son sixième enfant et sa belle-mère, avec laquelle il confie, non sans humour, s'ennuyer profondément. Puis, conservant un style métaphorique, il évoque les dons musicaux de Virginie et sa capacité à jouer longuement du piano pour ses amis. Il lui commande pas moins de dix-sept morceaux pour leur prochaine entrevue, particulièrement des airs du compositeur contemporain Frédéric Chopin. L'expéditeur quitte la plume, impératifs familiaux obligent, afin de s'occuper de sa belle-mère.
Cette lettre illustre le rôle social tenu par Virginie d'Abbadie, y compris auprès des proches de son époux, ce qui contribue à brosser son portrait de femme de notable. Douée de talents de pianiste connus et indéniables, elle était perçue comme une maîtresse de maison irréprochable et se révélait aussi capable d'intervenir dans des affaires logistiques ayant une portée politique, comme dans cette histoire délicate des 14.000 fusils.
Transcription
Saint-Jean-de-Luz, le 27 juin 1876
C'est Don Quichotte en personne qui vient vous remercier, ma chère madame, gracias a la castellana del encantado castillo [merci à la châtelaine du château enchanté], les difficultés se sont aplanies, et à l'heure qu'il est, la maison de Hambourg doit être en possession de mes 14.000 fusils.
Mon sixième baby et sa mère, qui me charge de mille choses aimables pour vous, se portent à merveille. J'espère donc que je vais être promptement délivré de la présence de ma charmante belle-mère (n'allez pas croire que je suis brouillé avec elle, seulement c'est bien long quinze jours quand on ne peut parler que de la pluie et du beau temps).
Je ne me suis pas encore pardonné les 18 morceaux. Pour me punir, vous ne m'en jouerez que 17 à Abbadia, est-ce convenu? Car j'ai ma liberté à présent (tout en restant impénitent) et je compte bien aller demander l'aumône d'un peu de Chopin.
Ma belle-mère va à Bayonne et il faut que je l'accompagne. Je termine donc, ma chère madame, vous priant de me rappeler au souvenir de Monsieur d'Abbadie et de me croire votre tout dévoué
Tirso de la Mancha
C'est Don Quichotte en personne qui vient vous remercier, ma chère madame, gracias a la castellana del encantado castillo [merci à la châtelaine du château enchanté], les difficultés se sont aplanies, et à l'heure qu'il est, la maison de Hambourg doit être en possession de mes 14.000 fusils.
Mon sixième baby et sa mère, qui me charge de mille choses aimables pour vous, se portent à merveille. J'espère donc que je vais être promptement délivré de la présence de ma charmante belle-mère (n'allez pas croire que je suis brouillé avec elle, seulement c'est bien long quinze jours quand on ne peut parler que de la pluie et du beau temps).
Je ne me suis pas encore pardonné les 18 morceaux. Pour me punir, vous ne m'en jouerez que 17 à Abbadia, est-ce convenu? Car j'ai ma liberté à présent (tout en restant impénitent) et je compte bien aller demander l'aumône d'un peu de Chopin.
Ma belle-mère va à Bayonne et il faut que je l'accompagne. Je termine donc, ma chère madame, vous priant de me rappeler au souvenir de Monsieur d'Abbadie et de me croire votre tout dévoué
Tirso de la Mancha
Bibliographie
- DELPECH V., Le château d'Abbadia à Hendaye: le monument idéal d'Antoine d'Abbadie, 3 volumes, thèse de doctorat d'Histoire de l'art, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012.
Autres sources
- LAFAGE F., L'Espagne de la Contre-Révolution: développement et déclin, XVIIIe-XXe siècles, L'Harmattan, Paris, 1993.