La construction du château d'Abbadia (1858-1884)
Le savant se tourna alors vers Auguste-Joseph Magne, qui proposa immédiatement un projet esquisse. Ses bons débuts n'empêchèrent cependant le rapide mécontentement de d'Abbadie envers ce nouvel architecte, qui, d'une part, ne comprenait pas le site pour ne l'avoir jamais vu et, d'autre part, ne voulait se conformer à la volonté de ses commanditaires. Les nombreux entretiens du maître d'oeuvre et du couple d'Abbadie à Paris se soldèrent par une exaspération réciproque. L'architecte présenta sa démission au début de l'année 1864, sans avoir posé un pied sur le site de la construction ou avoir donné d'instruction à propos du chantier de l'observatoire.
C'est dans l'urgence que d'Abbadie fit appel à Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc en mars 1864. Cette collaboration se présenta d'emblée comme une évidence. En quelques semaines, le restaurateur de Notre-Dame de Paris et de Pierrefonds livra plusieurs projets esquisses ainsi que les plans d'exécution des soubassements. D'Abbadie avait en effet procédé, avec son appareilleur Darrigol, à l'implantation de la demeure d'après les plans de Magne et de Parent. Puis ses ouvriers avaient commencé le laborieux creusement des fondations dans la roche calcaire de la colline d'Aragorri. Or, ces premiers travaux s'établir sur une base erronnée qui, avec la nécessité d'étudier le terrain, conduisit Viollet-le-Duc à missionner sur les lieux son fidèle lieutenant Edmond Duthoit dès la fin juin 1864.
Le tandem Viollet-le-Duc-Duthoit supervisa alors la poursuite de la construction de la tour-observatoire, qu'ils trouvèrent dans un état déplorable avec des malfaçons et un manque d'étanchéité alarmant. Le "maître" réalisa le plan et les élévations de l'édifice et confia le suivi du chantier et la décoration à Duthoit. La phase du gros oeuvre de l'habitation, comprenant la maçonnerie et la charpenterie, eut lieu de 1864 à 1867. Celle de la chapelle, quoique commencée parallèlement, fut interrompue par le maçon en 1867 et finalement achevée en 1868. L'étape du second oeuvre et de la décoration s'avéra la plus longue. Elle débuta sur le papier en 1867, avec la visite des d'Abbadie et de Duthoit à l'Exposition universelle de Paris et au château de Pierrefonds, en cours de restauration par Viollet-le-Duc. A partir de cette époque, Duthoit élabora simultanément les projets de décors et de mobilier qui étaient soumis à exécution au fur et à mesure.
Entre-temps, d'Abbadie dut faire face au procès intenté par Magne, réclamant des honoraires supplémentaires, dont les audiences eurent lieu à partir de 1869. Viollet-le-Duc, Duthoit et même Parent témoignèrent en faveur du savant basque en attestant de l'absence de travaux concret de la part du plaignant.
Malgré un ralentissement du chantier dû à la guerre de 1870 et la baisse des revenus financiers, l'exécution des décors de l'habitation et de la chapelle fut achevée en 1874. Dès lors, les propriétaires intensifièrent la campagne d'acquisition de mobilier et d'objets décoratifs provenant de grands magasins. Ils posèrent leurs valises entre les murs d'Abbadia en 1874. De là, ils furent au plus près pour suivre la reconstruction de l'observatoire. En effet, les malfaçons conduisirent à la démolition de la tour de Parent en 1873. Le gros oeuvre du nouvel observatoire, suivant un projet de Duthoit, fut monté entre 1874 et 1877, tandis que l'avant-corps du bâtiment destiné à accueillir une grande lunette d'observation fit l'objet d'une réflexion menée par d'Abbadie et ses confrères astronomes anglais. Puis on continua l'équipement du laboratoire et l'achat d'objets, parfois sur mesure, comme la lunette méridienne réalisée par Eichens en 1879. La construction de l'observatoire, et donc du château tel qu'il apparaît aujourd'hui, s'acheva en 1884 avec l'exécution de son bestiaire sculpté.
Bibliographie
- Abbadia un rébus géant, Fondation Antoine d’Abbadie, Académie des Sciences, Cap-Sciences Production, Bordeaux, 1997.
- DELPECH V., Le château d'Abbadia à Hendaye: le monument idéal d'Antoine d'Abbadie, 3 volumes, thèse de doctorat d'Histoire de l'art, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012.
- FOURREL DE FRETTES S., Le château d’Abbadia (1857-1879), mémoire de maîtrise d’Histoire de l’art contemporain, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, 1994.