Lettre à Edmond Duthoit (31 août 1864)
Généalogie du document
Fonds d'appartenance : Archives du château d'Abbadia. Site d'Hendaye Nom du propriétaire du fonds : Académie des SciencesInventaire d'appartenance : Volume de copies de lettres L Référence inventaire d'appartenance : Volume de copies de lettres L
Détails sur le document
Référence : Volume de copies de lettres L, fol. 324.Auteur : Antoine d'Abbadie
Description physique : Correspondance
Format du document : non renseigné
Langues du document :
Description du document
Présentation
Cette lettre a été rédigée par Antoine d'Abbadie le 31 août 1864, deux mois après la première visite d'Edmond Duthoit sur le chantier du château d'Abbadia. Depuis cet état des lieux et la reprise en main du projet par Viollet-le-Duc, la phase du gros oeuvre était en cours d'exécution. Le maçonnerie du sous-sol était proche de l'achèvement, puisque le montage des voûtes du soubassement de l'édifice était en passe de débuter.
Cette étape de construction implique des problématiques très techniques, comme le système de ventilation de la fosse sceptique, dont d'Abbadie réclame les détails à Duthoit, l'implantation de la citerne de récupération des eaux ou bien l'étude des matériaux géologiques nécessaires pour le montage des murs.
D'Abbadie évoque en outre un élément qu'il nomme "moucharabieh", terme inspiré du lexique architectural arabe. Il désigne l'oriel de la bibliothèque, c'est-à-dire l'actuelle grande baie éclairant la pièce à l'Ouest. Initialement prévue avec la largeur d'une double-fenêtre, le savant affirme ici s'en remettre à Viollet-le-Duc, "au Maître", qui optera finalement pour un élargissement total de la baie, probablement pour des motifs de luminosité dans cette pièce dédiée à l'étude.
La bibliothèque préoccupe, d'ailleurs, particulièrement d'Abbadie, lequel s'inspire des demeures de son entourage pour imaginer ses proportions. Avec son idée d'abaissement du plancher, il propose alors une solution fort étonnante, risquant de déplaire fortement aux architectes rationnels qu'étaient Viollet-le-Duc et Duthoit. Preuve en est, cette solution ne fut en définitive pas adoptée par les maîtres d'oeuvres.
D'Abbadie, qui éprouve d'emblée une grande estime pour les deux architectes parisiens, vérifie auprès d'eux les dires de son conducteur de travaux, Darrigol, qu'il désigne ici par l'initiale "D.". C'est en effet à ce dernier, en tant qu'appareilleur, d'étudier la pierre disponible sur le domaine ou bien dans les carrières environnantes déjà visitées avec Duthoit.
Cette lettre illustre la diversité et le volume des sujets traités par un architecte tel que Duthoit durant la phase extrêmement complexe du gros oeuvre. Il s'agit d'optimiser la technique constructive tout en anticipant l'ornementation future de l'édifice. Ce document renseigne en outre sur la considérable implication de d'Abbadie, qui préfère toujours garder le contrôle et assurer lui-même le rôle d'intermédiaire entre les architectes, auxquels il fait entièrement confiance, et l'appareilleur, dont il se défie des compétences réelles.
Cette étape de construction implique des problématiques très techniques, comme le système de ventilation de la fosse sceptique, dont d'Abbadie réclame les détails à Duthoit, l'implantation de la citerne de récupération des eaux ou bien l'étude des matériaux géologiques nécessaires pour le montage des murs.
D'Abbadie évoque en outre un élément qu'il nomme "moucharabieh", terme inspiré du lexique architectural arabe. Il désigne l'oriel de la bibliothèque, c'est-à-dire l'actuelle grande baie éclairant la pièce à l'Ouest. Initialement prévue avec la largeur d'une double-fenêtre, le savant affirme ici s'en remettre à Viollet-le-Duc, "au Maître", qui optera finalement pour un élargissement total de la baie, probablement pour des motifs de luminosité dans cette pièce dédiée à l'étude.
La bibliothèque préoccupe, d'ailleurs, particulièrement d'Abbadie, lequel s'inspire des demeures de son entourage pour imaginer ses proportions. Avec son idée d'abaissement du plancher, il propose alors une solution fort étonnante, risquant de déplaire fortement aux architectes rationnels qu'étaient Viollet-le-Duc et Duthoit. Preuve en est, cette solution ne fut en définitive pas adoptée par les maîtres d'oeuvres.
D'Abbadie, qui éprouve d'emblée une grande estime pour les deux architectes parisiens, vérifie auprès d'eux les dires de son conducteur de travaux, Darrigol, qu'il désigne ici par l'initiale "D.". C'est en effet à ce dernier, en tant qu'appareilleur, d'étudier la pierre disponible sur le domaine ou bien dans les carrières environnantes déjà visitées avec Duthoit.
Cette lettre illustre la diversité et le volume des sujets traités par un architecte tel que Duthoit durant la phase extrêmement complexe du gros oeuvre. Il s'agit d'optimiser la technique constructive tout en anticipant l'ornementation future de l'édifice. Ce document renseigne en outre sur la considérable implication de d'Abbadie, qui préfère toujours garder le contrôle et assurer lui-même le rôle d'intermédiaire entre les architectes, auxquels il fait entièrement confiance, et l'appareilleur, dont il se défie des compétences réelles.
Transcription
Aragorri par Béhobie, 1864 août 31.
Monsieur,
Les murs de la salle à manger, du salon et du porche sont à 50 ou 60 centimètres en contrebas du sol : on fait ceux de la chapelle et l’on a bétonné le fond de la fosse.
Darrigol attend de vous :
1. le détail de la cheminée de la cuisine
2. la place du tuyau de ventilation de la fosse .
3. la porte de cuisine dont l’absence arrête la construction du mur de ce côté.
Quant à l’avant-corps de l’observatoire, Darrigol en a le plan mais il a un diamètre extérieur de 5 mètres, et je crois que vous êtes revenu aux dimensions actuelles. En attendant j’ai défendu de démolir et surtout de reconstruire sans avoir de nouvelles instructions précises de votre part.
Ma pierre de taille, dont on se loue beaucoup, revient à 18 fr rendue à pied d’œuvre par mètre cube, plus 7 fr par mètre quarré [sic] de taille, et 0.75 fr par mètre quarré pour raccommodage d’outils, à ce qu’on m’assure.
Je vous prie de prendre l’opinion du Maître pour ma moucharabiah, cette questio vexata. Faites-la large ou étroite : supprimez ou conservez la fenêtre à côté ; je me réfère là-dessus complètement à l’opinion de M. Viollet-le-Duc.
Pour ce qui est de la hauteur de ma bibliothèque, c’est autre chose. Je viens de chez un ami où j’ai mesuré la grande salle longue de 11.45 mètres avec une largeur bien proportionnée. La hauteur, mesurée devant moi, est de 3m60 et de l’aveu de mon [ami], elle est beaucoup trop faible. Ma bibliothèque ayant à peu près les mêmes dimensions doit donc avoir 4.5 mt de hauteur ainsi que je vous l’ai dit à la rue de Laval. Je ne veux pas heurter vos instincts d’artiste qui vous font repousser les décrochements extérieurs. Je viens donc vous proposer non d’élever le plafond mais d’abaisser le plancher de 0.5mt. De la galerie du vestibule on descendrait par 3 marches et par une porte rarement employée. Au Nord les fenêtres resteraient à leur place : la lumière venant d’en haut ne nuira pas dans un lieu consacré à l’étude. Du pallier de l’escalier près l’observatoire on entrerait de plain pied. Quant aux ouvertures du côté de l’Ouest, je les livre à votre sagacité, et s’il ne s’agissait que de la moucharabiah, je ne dédaignerais pas d’avoir à y monter par 3 marches comme on fait souvent en Orient.
Dans 15 jours environ, si le temps actuel continue, on sera à la naissance des voutes et je désire bien que vous puissiez venir ici alors. D. [Darrigol] prétend que le moellon de la mer se casse mal et qu’il en a employé 500 mt.c. : il n’en reste que 200 réservés pour les voutes. Quid ? D. [Darrigol] propose de faire le citerneau a entre la citerne C et le mur M de la maison [croquis] ; j’attends vos avis là-dessus.
Enfin, veuillez m’écrire bientôt, m’envoyer les plans et agréer l’assurance de ma considération distinguée.
Antoine d’Abbadie
Un cabinet à l’anglaise s’ouvrant uniquemt [uniquement] dans la bibliothèque est pour moi un sine qua non. Si vous pouviez en faire deux autres au 1er, un pour tout le monde, et un pour Mme, ce serait un triomphe.
Monsieur,
Les murs de la salle à manger, du salon et du porche sont à 50 ou 60 centimètres en contrebas du sol : on fait ceux de la chapelle et l’on a bétonné le fond de la fosse.
Darrigol attend de vous :
1. le détail de la cheminée de la cuisine
2. la place du tuyau de ventilation de la fosse .
3. la porte de cuisine dont l’absence arrête la construction du mur de ce côté.
Quant à l’avant-corps de l’observatoire, Darrigol en a le plan mais il a un diamètre extérieur de 5 mètres, et je crois que vous êtes revenu aux dimensions actuelles. En attendant j’ai défendu de démolir et surtout de reconstruire sans avoir de nouvelles instructions précises de votre part.
Ma pierre de taille, dont on se loue beaucoup, revient à 18 fr rendue à pied d’œuvre par mètre cube, plus 7 fr par mètre quarré [sic] de taille, et 0.75 fr par mètre quarré pour raccommodage d’outils, à ce qu’on m’assure.
Je vous prie de prendre l’opinion du Maître pour ma moucharabiah, cette questio vexata. Faites-la large ou étroite : supprimez ou conservez la fenêtre à côté ; je me réfère là-dessus complètement à l’opinion de M. Viollet-le-Duc.
Pour ce qui est de la hauteur de ma bibliothèque, c’est autre chose. Je viens de chez un ami où j’ai mesuré la grande salle longue de 11.45 mètres avec une largeur bien proportionnée. La hauteur, mesurée devant moi, est de 3m60 et de l’aveu de mon [ami], elle est beaucoup trop faible. Ma bibliothèque ayant à peu près les mêmes dimensions doit donc avoir 4.5 mt de hauteur ainsi que je vous l’ai dit à la rue de Laval. Je ne veux pas heurter vos instincts d’artiste qui vous font repousser les décrochements extérieurs. Je viens donc vous proposer non d’élever le plafond mais d’abaisser le plancher de 0.5mt. De la galerie du vestibule on descendrait par 3 marches et par une porte rarement employée. Au Nord les fenêtres resteraient à leur place : la lumière venant d’en haut ne nuira pas dans un lieu consacré à l’étude. Du pallier de l’escalier près l’observatoire on entrerait de plain pied. Quant aux ouvertures du côté de l’Ouest, je les livre à votre sagacité, et s’il ne s’agissait que de la moucharabiah, je ne dédaignerais pas d’avoir à y monter par 3 marches comme on fait souvent en Orient.
Dans 15 jours environ, si le temps actuel continue, on sera à la naissance des voutes et je désire bien que vous puissiez venir ici alors. D. [Darrigol] prétend que le moellon de la mer se casse mal et qu’il en a employé 500 mt.c. : il n’en reste que 200 réservés pour les voutes. Quid ? D. [Darrigol] propose de faire le citerneau a entre la citerne C et le mur M de la maison [croquis] ; j’attends vos avis là-dessus.
Enfin, veuillez m’écrire bientôt, m’envoyer les plans et agréer l’assurance de ma considération distinguée.
Antoine d’Abbadie
Un cabinet à l’anglaise s’ouvrant uniquemt [uniquement] dans la bibliothèque est pour moi un sine qua non. Si vous pouviez en faire deux autres au 1er, un pour tout le monde, et un pour Mme, ce serait un triomphe.
Bibliographie
- DELPECH V., Le château d'Abbadia à Hendaye: le monument idéal d'Antoine d'Abbadie, 3 volumes, thèse de doctorat d'Histoire de l'art, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012.